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PRUDENCE ROCALEUX

— Que vous êtes savante !

— Madame sait que j’ai été soignée à l’hôpital pour une jambe cassée… alors, j’ connais bien des maladies et la manière de les guérir… Les infirmières nouvelles venaient souvent me demander des conseils…

— Toutes mes félicitations !

Mme Dilaret abandonna la cuisine, ce qui n’empêcha pas Prudence de continuer à parler comme si elle était encore là.

— Certainement non, je ne pourrais pas me résigner à devenir une « bonne Sœur », D’abord, y m’ faut de la nourriture et, dans les couvents, on mange tout juste pour ne pas mourir de faim… Moi, j’aime les petits plats, et sûr qu’on ne m’en laisserait pas fabriquer… Du moment que je suis venue au monde pour m’occuper de cuisine, je me résigne à continuer… Ce serait glorieux d’être… la sainte de la famille ; mais il vaut mieux un peu plus d’humilité. Je n’aurai pas ma statue, mais tant pis ! Et qui sait ? Je n’aurais des fois qu’à faire une belle action ! Si je trouvais ce fameux assassin par exemple ? On parlerait de moi dans les journaux, et sûrement qu’on m’apporterait des tas de cadeaux… Et pis, une femme en vue est tout de suite demandée en mariage… Ah ! que je rirais ! Ah ! que je le saisisse vite ce malin meurtrier ! Y m’ fait damner. C’est qu’on n’en parle plus ! Le jeune M. Rembrecomme n’a plus l’air de s’en occuper ! Misère de misère ! Ça conte fleurette à la secrétaire et le pauvre papa est oublié. Ah ! résignons-nous…