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prudence rocaleux

à Lyon, après le souper à l’hôtel où je devais coucher, mon chauffeur me dit : « Dites donc, bonne mère, j’ai des amis que je vais charrier jusqu’à Marseille, ne pouvez-vous pas rester à Lyon ? — Oh ! que je fais, je n’y connais personne. — Et à Marseille, qui que vous connaissez ? personne non plus ; alors, c’est tout pareil : ici, on mange des quenelles au poisson, à Marseille de la bouillabaisse, et c’est toute la différence. » Alors, Madame, y m’a laissée là. Les amis, c’étaient des clients qui le payaient bien ; alors, vous comprenez, moi je ne comptais plus. Je n’en dis pas de mal, de cet homme ; chacun son intérêt… Les clients m’ont fabriqué un certificat et m’ont envoyée chez vous. Voilà la vérité ! Sur ce bout de papier, ils ont écrit que j’avais deux défauts. Je n’en voulais pas : mais ces gens avaient du bon sens. Ils m’ont dit : « si on ne met que des qualités votre future patronne se méfiera, parce que personne n’est parfait sur la terre ». Alors, je les ai écoutés.

Mme Dilaret voyait un peu plus clair dans l’arrivée de Prudence. Cette franchise lui agréait.

— Je suis contente de ce que vous me dites. Maintenant, je comprends mieux votre venue.

Prudence répliqua :

— Ah ! ça, je suis franche. Quand je cache quelque chose, ça me reste là… et je finis toujours par l’avouer. Je dirai donc à Madame qu’elle est bonne et qu’elle est un peu à la distinction, et pour moi, la distinction, c’est quand on est dans les hauteurs… Vous ressemblez à ma dernière patronne. Elle a essayé de me faire une boniment là-dessus, en me disant que je mélangeais la distinction avec le dédain, mais je n’ai rien com-