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prudence rocaleux

poser un paquet. Elle vit Prudence et lui donna en disant :

— Des quenelles pour ce soir.

— Bien, Madame…

— Vous savez les cuire ?

— Il faudrait être la plus sotte des femmes pour rater c’te cuisson.

— Alors, je n’ai aucune recommandation à vous faire.

— Vous pouvez toujours « causer » si vous voulez… je suis résignée, déclara Prudence, non sans fierté.

Mme Dilaret regarda avec quelque surprise celle qui parlait ainsi, et elle demanda :

— Qu’est-ce que vous avez ?

— Moi ?

— Oui… vous… je ne sais pas si vous prenez un ton de détachement ou d’ironie ?

— Je ne comprends pas, Madame… Tout ce que je peux expliquer, c’est que j’ai vu la maison d’une sainte qui se résignait à tout… Il paraît que c’est très méritoire. Alors, je commence ma sainteté et je me résigne aux conseils de Madame…

Le sérieux de Mme Dilaret faillit s’évanouir devant la prétention de sa domestique, mais elle se retint à temps.

— Ah ! vous voulez devenir une sainte…

— Je ne dis pas ça… mais je peux toujours la copier un peu… Il me serait difficile de rester agenouillée sur mon prie-Dieu, si j’en avais un, et pendant des heures, vu que des personnes ne s’occuperaient pas de ma cuisine… Quand les plats seraient brûlés, ce n’est pas Monsieur qui se résignerait à les manger… je peux cependant tenter un petit effort pour me bonifier. Je crois qu’avec la dame que je connais depuis cet après-midi, je deviendrai moins colère… Elle porte au calme…

— Quelle dame avez-vous donc rencontrée ?