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— Pauvre maman ! comment ferez-vous pour vous passer de bien-être ? Je suis peinée pour vous…

Cette phrase de pitié inattendue attendrit le cœur de Mme Vital et elle éclata en sanglots.

Aubrine s’y trompa et elle crut que sa mère regrettait la richesse alors qu’elle pleurait d’émotion. Cette épreuve, maintenant, lui semblait blâmable.

M. Vital dit :

— Je vous ai trouvée forte et résolue, chère amie, devant l’adversité qui nous accable, vous n’allez pas avoir de faiblesses devant votre fille, qui, vous le voyez, n’éprouve aucun désespoir.

— Pourquoi en aurais-je ? répliqua Aubrine, changer de vie n’est pas pour me déplaire. J’ai profité du luxe, je vais goûter d’autre chose.

À vrai dire, Mme Vital était confondue et ses larmes séchèrent subitement. Elle s’était préparée à subir une crise de pleurs, voire de reproches, et elle voyait devant elle sa fille très ferme devant l’avenir nouveau qui lui était fait.

— Quand partons-nous ? demanda Aubrine sans autres commentaires.

Sa mère la contempla non sans admiration.

M. Vital répliqua :

— Dans trois jours… Nous descendrons dans un hôtel modeste en attendant que nous trouvions un logis. Ensuite, nous verrons à conduire notre barque pour le mieux.

— Trois jours, murmura Aubrine, c’est peu. Mais ils suffiront.

Elle regagna sa chambre sans ajouter un mot.

Les deux époux se regardèrent :

— C’est incroyable ! murmura la tendre mère.

Le père rit en répondant :

— Voici la première surprise.

— Quelle force de caractère !

— Ou puissance de dissimulation…

— Dans tous les cas, maîtrise de soi.

— Je voudrais la voir dans sa chambre.

— Elle pense certainement à Paris.

C’étaient bien les réflexions d’Aubrine. Elle évoquait Paris, qu’elle ne connaissait pas. Elle regrettait pourtant de n’y pas paraître en jeune fille riche, mais elle s’y promettait une existence agréable. Elle travaillerait, bien entendu, elle ne savait à quoi, mais, sur place, elle saurait s’orienter.

Quelle bizarre aventure d’être ruinée ; mais cela ne l’atteignait pas en profondeur. La jeunesse moderne s’évertuait à ne pas s’étonner devant les imprévus de la vie. Son père, sans