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époux, elle téléphonera à une femme de chambre au 6e. Il se passera une heure avant l’arrivée de cette dernière, que l’on aura dérangée en plein sommeil pour faire une infusion.

— Quoi ! votre fille ne saurait pas mener à bien une infusion ?

— Rien… je vous dis rien…

— Mais, ma femme, alors vous êtes une parfaite ménagère et je vous ai toujours méconnue !

Mme Vital rit joyeusement pendant que son mari continuait :

— Je me souviens de notre retour de voyage de noces. Nous avions notre appartement prêt, mais nul domestique encore. Je ne me suis pas aperçu de ce manque de personnel. Vous remplissiez tous leurs rôles à votre honneur.

— Je suis heureuse de savoir que ce souvenir vous est cher, mais cela ne nous avance pas au sujet de notre fille. Il lui faut une leçon,

— Brrr… cela me donne froid… Selon ce que je devine en vous, femme forte, il faudrait une ruine foudroyante.

Mme Vital devint songeuse, et ce fut comme si elle rêvait qu’elle murmura :

— Ce serait la seule pierre de touche qui nous permettrait d’évaluer ce caractère. La jeunesse de maintenant est hermétique. Est-ce la paresse de penser, l’indifférence ou la suprême sagesse ? Je me heurte au mystère de l’âme d’Aubrine. Je ne voudrais pas qu’elle se mariât sans savoir ce que nous donnons à un mari.

— Quel scrupule, chère amie ! En causant avec vous, je vous comprends autant que je vous admire.

— Merci, cher Louis, mais encore une fois ces belles paroles ne nous conduisent vers le but rêvé.

— C’est que vos intentions sont assez confuses. Vous ne pouvez pas imposer à votre fille un travail de manœuvre ; elle vous rira au visage ; les jeunes filles sont parfois si impertinentes. D’autre part, je ne veux pas me ruiner pour seconder vos projets…

— Non… mais si vous la simuliez votre ruine ?

— Quoi ! vous voudriez me priver de tout confort ?

— Ce serait passager… et vous savez que je ne vous laisserais manquer de rien. Vous avez déjà vu mes talents à l’épreuve.

— À quoi l’amour maternel peut exposer ! gémit M. Vital. Quel est votre plan, car je suis certain que vous venez de le mûrir.

— Vous ne vous trompez pas. Voici donc mon projet ; nous annonçons notre ruine à Aubrine. Nous verrons déjà sa réaction, puis nous abandonnerons Lyon pour Paris. Nous y cher-