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MARTHE FIEL

PETITE COUSETTE JOLIE




— Tu ne fais rien de tes dix doigts, ma pauvre enfant… Toujours en l’air, de thé en thé, de croisière en partie de campagne, de…

Aubrine Vital interrompit sa mère :

— Que voulez-vous que je fasse d’autre ?

— Tu pourrais t’occuper à des choses plus utiles. Je tremble à la pensée de te voir si superficielle…

— Ne tremblez pas, maman. Si j’avais besoin de gagner ma vie, je ne serais pas en peine.

— Tu le crois !

— En attendant, je vais rejoindre Denise Rillat qui m’a invitée pour goûter…

— Et ensuite ?

— J’ignore la suite.

Aubrine alla dans sa chambre pour prendre une jaquette, car le printemps était frais. Elle arrangea ses boucles brunes, prit son sac, dont elle passa la courroie sur l’épaule, et sortit.

Sa démarche était ferme. On y devinait de la décision. Son intelligence était vive, mais Aubrine ne l’utilisait pas. Ses parents étaient riches et ne lui refusaient rien. Fille unique maintenant, car elle avait perdu trois frères en bas âge, elle jouissait de toute l’affection de ses parents. Sa mère, surtout, craignant de la perdre, n’osait la contrarier.

Elle comprenait cependant qu’elle l’avait mal élevée, mais elle n’avait pas le courage de réagir. M. Vital, absorbé par son usine, ne s’appesantissait pas sur ce sujet. Sa fille était jolie et élégante et il se contentait du rayonnement de ses vingt ans. Il écoutait mollement sa femme quand elle déplorait le caractère futile d’Aubrine.

— Je me demande ce qu’elle deviendrait si notre vie se transformait.

— Ne vous faites aucun souci, chère amie, notre fortune est solide… Je vais vendre mon usine, car j’aspire au repos. Je ne suis pas cupide… Nos revenus actuels nous donnent la vie large et je m’y tiens… Je vais donc devenir rentier, et je