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ne se réjouissait pas du tout de voir son fils dans une atmosphère où elle ne serait pas libre.

Roger ne tarissait pas d’éloges sur Aubrine.

— Je ne puis croire à mon bonheur quand je la vois si jolie et si simple. Quelle grâce. Il y a de ces fleurs qui poussent, incompréhensiblement dans n’importe quel terrain. Je fais un mariage que je n’espérais pas, mais, à bien réfléchir, il n’est pas aussi disproportionné que cela ! En ai-je lu de ces livres où le jeune homme pauvre épousait la plus belle et la plus riche par surcroît ! Ici, ce n’est pas le cas. Si Aubrine est la plus belle pour moi, elle est pauvre puisqu’elle travaille comme moi. Peut-être a-t-elle plus d’ambition, car elle nous voit déjà à la tête d’une maison de couture.

— Que Dieu l’entende.


M. Vital fut quelque peu interdit quand il rentra d’une excursion, d’apprendre les fiançailles de sa fille. Ce n’était pas ainsi que le bon père les rêvait.

Aubrine était très crâne, très fière.

— Vous n’aurez qu’à vous louer de votre gendre… et quand père le connaîtra, il pourra sans doute lui trouver une bonne situation. Je vous assure que c’est un jeune homme des plus attachants.

M. et Mme Vital ne cachaient pas leur mélancolie en entendant ces choses. Leur fameux plan tournait à leur désavantage. Bien qu’Aubrine se fût révélée une femme courageuse et adroite, ils ne pouvaient guère se réjouir du résultat qu’elle apportait.

Après un conciliabule secret qu’ils tinrent dans leur chambre à voix basse, ils résolurent d’avouer à leur fille le gros mensonge qu’ils avaient commis.

— C’est dimanche que ce malheureux doit venir nous voir avec sa mère pour demander notre fille… Attendons-les… Après leur visite, nous éclairerons Aubrine sur notre situation et lui démontrerons l’impossibilité d’une telle union dans le monde où elle rentrera. Elle est fière et ne voudra pas que l’on se moque de son mari.

— Elle peut ne plus vouloir fréquenter ses amies.

— Elle réfléchira parce que tout se sait. Persister dans son idée serait une générosité mal placée. Nous lui ferons faire un beau voyage.

— Je me repens, soupira Mme Vital… Quelle détermination stupide ai-je eue là !

— C’était un risque… mais cette petite est logique… elle s’est vue dans une situation modeste, et elle va de l’avant sur la route modeste. Elle a pris notre débâcle avec un cran