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s’affolaient. Quelle punition infligeait-elle là à sa fille ? Mais quelle découverte aussi !

L’adversité transformait l’enfant en une femme pleine d’initiative.

Aubrine partit le cœur léger, le rire aux lèvres, pour sa première heure d’ouvrière.

Mme Blanche la reçut sans amabilité. Quelle ressource dévoilerait cette jeune fille ?

Aubrine s’assit à une place désignée et la « première » lui mit entre les mains un ourlet de robe à terminer.

L’apprentie se choisit une aiguille avec bon sens après avoir palpé l’étoffe. À dire vrai, son aplomb l’abandonnait, mais elle s’excita au courage.

La matinée s’écoula dans différents exercices, et à mesure que le temps glissait le visage de Mme Blanche devenait moins rébarbatif.

Mme Vital attendait sa fille avec anxiété. Quand elle la vit, elle lui jeta un regard apitoyé, sans oser la questionner.

— Cela s’est fort bien passé, et je crois que je saurai coudre… Que c’est amusant de voir ces étoffes ! Je me réjouis pour plus tard de combiner des robes… d’inventer des modèles… de naviguer au milieu des mannequins.

Mme Vital respira. L’enthousiasme de sa fille la calmait et elle loua Dieu en pensant que son enfant acceptait avec autant de simplicité les changements de fortune. Elle se demandait de quelle façon serait accueillie un peu plus tard la révélation de ce stratagème. Bah ! un brillant mariage ferait oublier et pardonner cette épreuve.


Quand, la veille, Mme Ritard avait reçu Aubrine, elle était restée fort songeuse après son départ. Cette jeune fille l’intriguait par son mélange d’assurance et de simplicité. Bien que la demande prouvât un rang social médiocre, les façons de la jeune fille ne révélaient rien de vulgaire. Ses paroles choisies ne sonnaient cependant pas prétentieuses comme elles auraient pu l’être venant d’une ouvrière voulant éblouir… Non… ses manières et sa conversation paraissaient toutes naturelles… D’ailleurs, le logis témoignait de la situation modeste de cette famille.

Puis, la surprise de cette petite quand elle avait senti les parfums ! Mme Ritard en souriait encore…

Quand son fils rentra, le soir, elle lui dit :

— J’ai eu, aujourd’hui, une visite inattendue.

— Tant mieux si elle était amusante !

— Elle m’a intéressée dans tous les cas.

Elle raconta son entretien avec Aubrine.