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— Tu as donc choisi une carrière ? interrompit vivement Mme Vital.

— Je n’ai pas choisi… l’idée m’en est arrivée subitement. J’aimerais savoir coudre, puisque nous n’aurons plus les moyens de payer des façons de robes, et, comme je veux rester bien habillée, surtout à Paris, je n’ai plus qu’un parti à prendre, c’est de me lancer dans la couture.

Mme Vital écoutait stupéfaite, La résolution de sa fille l’ahurissait. Maintenant qu’elle se trouvait en présence de la réalité, une pitié pour son enfant la bouleversait.

— Toi, apprentie couturière ! mon pauvre petit…

— Que ferais-je d’autre ? Je ne puis entrer dans un bureau… je sais à peine écrire parce que j’use du téléphone. Je ne puis donner des leçons de piano, je ne sais pas jouer… et tout est à l’avenant. Je ne vous reproche pas de ne m’avoir pas forcée à travailler… je n’ai jamais voulu obéir. Je ne me sens de vocation que pour la couture, car je crois avoir du goût et du chic, mais dame ! il faut que j’apprenne à faire les points et à tailler un patron…

Aubrine se tut, alors que ses parents la contemplaient, perplexes…

Mme Vital s’apercevait que sa fille avait une volonté qu’elle ne soupçonnait pas. Elle l’employait aujourd’hui à agir, alors qu’elle s’en servait pour échapper à toute contrainte.

Aubrine laissa ses parents et se rendit dans sa chambre, qui était peu élégante. Cependant, avec les quelques meubles personnels, le cadre était familier. Ce n’était plus le beau confort, mais avec la faculté d’adaptation que possèdent les jeunes, Aubrine se découvrait philosophe par nécessité, M. et Mme Vital parlaient de leur fille et c’était avec des larmes dans les yeux que la pauvre mère s’épanchait.

— Je n’aurais jamais cru que notre chérie accepterait si facilement l’existence que nous lui infligeons… J’en ressens une peine inouïe. Je ne crois pas pouvoir supporter de la savoir apprentie… Si nous renoncions à notre idée saugrenue ?

— Ah ! non !… maintenant que je suis à Paris, où je me livre à des études que me plaisent, je ne veux pas tourner au gré de votre attendrissement. Vous vous êtes plainte de votre fille paresseuse et maintenant vous pleurez parce qu’elle veut travailler… Quel mal cela lui fera-t-il qu’on lui enseigne la couture ? Son raisonnement est parfait. Elle côtoiera des jeunes filles laborieuses et elle saura bâtir une robe, ce qui n’est jamais à dédaigner.

Mme Vital eut un soupir douloureux, mais la situation lui parut moins désespérée qu’elle se l’imaginait. Maintenant, elle se demandait comment elle trouverait la couturière chez qui