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vers l’holocauste en priant Dieu et en évoquant les tracas incessants par lesquels passe mon père. Et je jugeai qu’une dérobade de ma part ne les ferait que s’accroître.

Ce mercredi, je m’habillai comme une automate. Je procédai à mes occupations coutumières et, après le déjeuner, je dis à ma mère :

— J’irai cette après-midi chez Mlle Clarseil, c’est mon jour de leçon.

— Cela ne te fatiguera pas ? Je te trouve si pâle… Je vais finir par te conduire chez le docteur.

— Tu plaisantes, ma petite maman, ma santé est parfaite.

— Vraiment, tu ne souffres de nulle part ?

— Mais non, maman.

Je me sauvai en riant.

Je ne souffrais de nulle part ! Mon cœur, mon âme, mon corps notaient plus qu’une souffrance. J’aurais hurlé de douleur. Je me débattais dans un cercle infernal. « C’est un suicide », me disais-je de temps à autre, alors que mon affection filiale forçait la voix pour me crier : « Il le faut ! » Étais-je en règle avec le Créateur, avec une telle pensée ?

Dans la rue, par la chaleur de ce beau jour de juin, où les feuilles semblaient se recroqueviller, où les pauvres chiens haletaient, ou les chevaux portaient leurs chapeaux de paille, mes dents claquaient. Je me sentais froide comme un marbre, et je me demandais si j’arriverais à la Tourmagne.

Ne pouvait plus avancer, je me décidai à prendre une voiture pour arriver au pied du mont Cavalier.

Quelle course ! Je croyais m’évanouir à