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Pouvais-je lui expliquer que la situation de papa était en jeu ? Je savais par avance quel cri de détresse elle aurait, et je devais la préserver de cette douleur.

Puis elle ne pourrait se retenir de mettre mon père au courant. Il irait alors trouver ces messieurs pour les accuser de jouer avec le cœur d’une jeune fille. L’hostilité ne ferait que s’accroître, et j’aurais causé plus de mal que de bien. Non, il fallait accepter le sacrifice jusqu’à la lie et subir ma destinée.

Et je me répétais les paroles du docteur :

« Surtout, pas de soucis, pas d’émotion… Sa santé est à ce prix. » Mon devoir était donc tracé. Maintenant, je me sentais forte. Il n’était plus question de me confier à qui que ce fût, de crainte de recevoir un conseil contraire à la marche des événements. Je savais que je ne pouvais passer outre. Je n’avais plus qu’à m’abandonner à Dieu et à me remettre complètement entre ses mains.

Après ces moments de prostration, je ne tenais plus en place. J’allais et venais entre ces quatre murs, où j’étouffais.

Un mari ! J’allais avoir un mari sans l’avoir voulu ! À coup sûr, je rêvais. Non, j’avais conclu un marché, un odieux marché. Je troquais ma vie, ma simple vie, contre la tranquillité de mon père.

Et moi qui trouvais lamentable le futur mariage de Léo, je jugeais maintenant qu’il était des plus parfaits. C’était une belle union d’amour, dans laquelle il n’entrait aucune condition draconienne.