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un bien-être. Je retrouvais le nid, l’affection, la sécurité. Cette fois, j’y rentrais avec un malaise intolérable, parce que, brutalement, je venais de comprendre que je m’étais liée pour la vie, à l’insu de ceux que j’aimais si ardemment. Ma mère n’était pas là, et j’allai dans ma chambre. Un désarroi m’anéantissait. Je me demandais si c’était bien moi qui vivais là, moi qui venais de prendre cette décision effarante. Mon amour filial commandait-il cet héroïsme ?

Alors, le visage de papa se posait devant moi, douloureux, et cette évocation me rendait folle. Je le voyais humilié par quelque erreur dans ses calculs. Il avait connu un de ses collègues tombé mort à la suite d’une faute dans la résistance des matériaux, et cette pensée m’obsédait. Ce monsieur avait une maladie de cœur, c’est entendu, mais il aurait pu vivre encore longtemps sans cette émotion.

Mon imagination accumulait les tableaux les plus noirs, et devant eux je voyais toujours les traits ravagés de mon cher père, se défendant contre la catastrophe d’un pont croulant.

Et j’accusais Galiret, introduisant quelque malfaçon dans les éléments de construction ! Je ne songeais pas à ce que la « folle du logis » avait de déréglé.

L’épouvante me conduisait. Je me traitais de fille dénaturée en pensant que je pouvais refuser les conditions du neveu de M. Galiret !

Je désirais donc la mort de mon père, dont le cœur était fragile ? Que l’on me comprenne, oh ! que l’on me comprenne !

Une question se posait : devais-je tout avouer à ma mère ?