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La profession de mon père m’est une grosse préoccupation. Ah ! je n’épouserai pas un ingénieur des Ponts et Chaussées ! J’ai toujours peur d’apprendre qu’une chaussée s’est écroulée, et souvent je rêve que le pont du Gard s’effondre. Aussi, quand je vois papa absorbé, j’ai l’épouvante de la pierre minée, rongée…

Mon cher père a souffert d’une maladie grave, voici quelques mois. Elle a été provoquée par un accident professionnel : la rupture d’une digue. Enquête sur enquête… Rapports à n’en plus finir, à telle fin que mon pauvre papa a dû s’aliter, vaincu par la lassitude et par les émotions causées par ce remue-ménage et les convocations des experts. Il est sorti tout à son honneur de cette affaire, mais la réaction l’a ébranlé. Depuis, le docteur a prescrit le calme, parce qu’il a le cœur fatigué, et il faut lui éviter toute secousse, toute émotion, ce qui n’est pas commode dans la vie.

Je dois vous dire que depuis sa maladie mon père me paraît plus délicat, plus taciturne, et j’ai toujours peur d’une récidive qui, cette fois, serait mortelle. Je frissonne en y pensant, et souvent j’ai des cauchemars, parce qu’avec la sensibilité de mon tempérament je mets tout au pire. Je voudrais préserver papa de tout souci, de tout heurt, tellement je crains le malheur.

Tout en me livrant à ces réflexions, j’arrivai devant le magasin de laines, où j’effectuai mon achat. Puis je me replongeai dans la rue.

Il fait beau aujourd’hui, un temps que j’aime, un soleil clair et pas trop chaud. D’ailleurs, ne fait-il pas toujours beau à Nîmes ? Si j’étais savante, j’expliquerais pourquoi le