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Mlle Clarseil, professeur à la retraite. C’était une véritable amie pour moi. Elle raffolait des beautés antiques de Nîmes et elle m’apprenait à connaître en détail. À vrai dire, ayant toujours vécu dans ma ville natale, je n’appréciais pas son étonnante originalité. Il fallait que quelqu’un me la soulignât.

Mlle Clarseil possédait le don d’évocation. Non seulement elle situait les pierres et leur donnait une vie agissante, mais les personnages qui avaient utilisé ces murs se revêtaient de sentiments identiques à leur temps, et leurs costumes eux-mêmes, sous le verbe Mlle Clarseil, prenaient des couleurs chatoyantes.

Mon professeur habitait rue Saint-Costor. Tout en me rendant chez elle, je pensais à Vincent et à ses théories surprenantes. Mais j’avoue que sa façon si mûrie de s’exprimer me causait encore plus de surprise que ses réflexions mêmes. Je me sentais quelque peu bouleversée que l’on transigeât avec mes principes, car, jusqu’alors, la déférence peur la famille m’était sacrée. S’il plaisait à Vincent, à son tour, d’épouser la fille de notre laitier ? Je ne me représentais pas du tout maman entre les belles-mères de ses fils.

Je faillis même rire tout haut à cette idée, mais je refrénai cette velléité, d’autant plus qu’à un tournant de rue je me vis face à face avec l’inconnu de la veille.

Sottement, je rougis, et je me serais battue de honte. Il eut l’impudence de me saluer et de sourire. Saluer, passe encore, mais me sourire, comme s’il était une vieille connaissance !