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totalement oubliée. Je ne m’en plaignis pas. J’avais pris un livre et, bien établie dans un fauteuil, je donnai l’essor à mes pensées. Elles me torturèrent, selon leur habitude.

Berthe, soudain, me dit :

— Je m’en vais, Monique… Au revoir.

Nous nous embrassâmes. Léo ajouta :

— Je reconduis Berthe jusque chez elle. Tu ne viens pas avec nous ?

— Non. Je préfère me reposer un peu avant le dîner.

— Tu as raison… Je te trouve les traits tirés…

Je restai seule. J’entendais maman qui discourait avec une lingère. Vincent chantait et, par sa fenêtre ouverte, ses refrains s’envolaient.

La journée avait été chaude et nulle fraîcheur ne parvenait encore. Le soleil laissait de larges touches roses, et les oiseaux happaient les moucherons en croisant dans l’air.

Les mille bruits de la ville changeaient de ton. Ordinairement, l’approche du crépuscule, à cette saison, était pour moi une vraie douceur. Jamais ma chère ville ne me paraissait plus attirante.

En cette fin d’après-midi, je n’éprouvais plus cette émotion pleine de charme, mon esprit était trop ébranlé par mon terrible destin.

Maman revint :

— Tu es seule ?

— Oui, maman.

— Berthe est repartie ?

— Oui, Léo l’a accompagnée. Elle m’a chargée de ses adieux pour toi et n’a pas osé