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mon avenir. J’avais sauté hors de mon orbe, comme une roue saute hors de sa jante.

Berthe ne parlait plus. Prévenue par Léo de la tenue de mon fiancé, elle ne pouvait guère prendre ma défense devant maman. C’eût été impoli, d’abord, de contredire l’opinion de sa future belle-mère, et ensuite cela lui eût donné l’apparence de la fausseté. Or, Berthe était franche. De plus, elle ne connaissait pas Jean Gouve et n’avait sur lui nulle idée personnelle.

Bientôt, maman sortit de la pièce.

Berthe eut un mouvement pour se rapprocher de moi, en murmurant :

— Que cette situation est cruelle…

— Pour qui ?

— Pour nous tous… Léo est désolé, votre mère souffre, et vous-même… Cette période des fiançailles, qui devrait être une joie, devient une lutte pour vous.

— Suis-je responsable de ce que Jean Gouve ne plaise à personne ?

— C’est surtout l’étonnement qui domine. Peut-être vous a-t-on cru autrement que vous n’êtes, murmura-t-elle craintivement.

— Je devine votre pensée ! Ma mère me supposait férue de distinction et de manières « talons rouges », et elle s’aperçoit que je m’accommode trop bien d’un mari commun.

J’eus un sourire ironique. À vrai dire, l’aveuglement de mes parents m’ahurissait quelque peu, mais cette impression fut fugitive.

M’avais-je pas déployé tout un génie pour les tromper ?