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Je ne regardai pas Mlle Clarseil. Sans doute avait-elle un air triomphal. Je me laissai tomber sur un fauteuil, tandis que la chère voix murmurait :

— Monique, comment avez-vous pu me briser le cœur à ce point ? Est-ce bien vrai que vous ne m’aimez pas, alors que je vous aime tant ?

Je restai silencieuse.

— Osez parler ! cria Mlle Clarseil du fond du salon.

Une seule chose m’était présente : le martyre que chacun, à tour de rôle, me faisait subir.

Je n’étais plus une jeune insouciante qui ne voyait devant elle que des roses, mais un fauve triste, dans une cage étroite, en butte aux tracasseries de ses dompteurs. Il me fallait allonger les griffes ou montrer les dents, alors que je ne désirais que la paix.

Ainsi qu’une consolation puissante, je possédais ma belle conscience en face de Dieu, et je pensais à mon père, pour qui je supportais tout.

Malgré cela, cette douleur que je voyais devant moi me causait une peine atroce, parce que je l’éprouvais pour mon propre compte.

Il répéta :

— Oh ! pourquoi m’avez-vous dit si durement que vous ne m’aimiez pas ? J’ai touché le fond du découragement et du désespoir…

— Je ne pouvais pas vous laisser espérer autre chose…

— Qu’est-ce qui se place entre nous pour nous séparer ?

— Je suis fiancée…

Je le regardais en face pour lui avouer cette