Page:Fiel - Mon erreur, paru dans La Croix du 22 mai au 14 juillet 1949.djvu/215

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ce silence lourd, sans bienveillance, me rendit nerveuse et j’éclatai :

— Ce n’est tout de même pas la peine de me tenir rigueur parce que je fais un mariage qui ne vous agrée pas.

— Ce n’est pas présentable ! Ce monsieur pourrait ne pas nous plaire, mais il n’est pas présentable ! répéta maman avec force.

— Alors, vous ne nous recevrez pas ?

— Que vas-tu t’imaginer là ? s’écria papa. Nous aimons trop nos enfants pour leur en vouloir d’arranger leur vie comme ils l’entendent.

— Merci, papa, tu me fais du bien.

Maman reprit :

— Je ne puis pas comprendre que tu te sois éprise de ce garçon… Naturellement, je n’ai pu fermer l’œil de la nuit… J’avais toujours dans les oreilles cette voix gouailleuse et devant les yeux cet être sans distinction…

— C’est un travailleur, et je serai à l’aise avec lui, parce que je n’aime pas les poseurs…

— À l’aise avec lui ? Je n’en sais rien, dit Léo. Il me paraît dur… J’ai grand’peur que tu ne te repentes de cette folie avant qu’il soit longtemps.

— Je n’ai pas besoin de morale, surtout de la part de mes frères ! Je sais très bien ce que je fais…

Hélas ! je savais tout cela d’avance, et ma clairvoyance n’était que trop lucide. Mes nerfs étaient à bout, et j’eusse proféré n’importe quelle sottise pour me délivrer de ces commentaires qui remuaient le fer dans la plaie. Ah ! si je l’avais pu, combien je me serais débarrassée rapidement de Jean Gouve !