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Maman ne me fit pas de compliments, mais je suppose qu’elle approuva ma toilette.

Vincent dit tout haut :

— Tu es chic… Mon beau-frère aura une femme épatante à montrer.

Je mangeai avec difficulté, et le calme auquel je m’efforçais était le résultat de multiples énergies.

— À quelle heure viendra ton fiancé ?

— Vers 21 heures, je crois…

Le silence accueillit cette réponse. Mes frères n’avaient pas projeté de sortie, tellement la curiosité les possédait. Et pourtant, la nuit qui descendait était bien belle. La pluie avait cessé, l’air frais vous caressait.

On sonna. Je me sentis devenir aussi pâle qu’une mourante. Je suis sûre que sous mon fard et ma poudre ma peau était couleur de pierre.

La domestique introduisit Jean Gouve.

Il était là, solidement charpenté, les épaules larges, un sourire vainqueur sur sa face.

Il y eut d’abord un embarras glacial qui ne dura que l’espace d’un éclair, mais il permit à chacun de nous l’éclosion d’une quantité de réflexions intérieures.

Souriante, gracieuse, sans une ombre sur mon front, j’allai au-devant de mon fiancé, et je lui tendis la main ; puis, tenant ses doigts entre les miens, je l’amenai devant mes parents, en leur disant :

— Mon fiancé…, M.  Jean Gouve…

Puis je lâchai cette main que j’aurais voulu anéantir avec tout le corps auquel elle se rattachait.