Page:Fiel - Mon erreur, paru dans La Croix du 22 mai au 14 juillet 1949.djvu/198

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ayant dit, je souhaitai le bonsoir à mes parents.

Le lendemain, le ciel fut à la pluie. C’est assez rare à Nîmes, mais quand elle survient, personne ne s’en plaint. La verdure apparaît toute vernie, et quand les fleurs se redressent, elles ont un éclat plus vif. Ce temps convenait au fond de mon âme.

Qu’aurais-je fait d’un beau soleil ?

J’attendis le soir avec un tremblement intérieur qui faisait, par moments, entrechoquer mes dents. Ah ! je n’étais pas brave, malgré mes airs frondeurs ! De temps à autre, un rire nerveux s’étranglait dans ma gorge comme un sanglot.

Maman m’observait, et sans doute me trouvait-elle un aspect absolument imprévu, parce que, deux ou trois fois, elle se retint pour m’interroger.

Pour forcer la note, je me surpris à fredonner.

— Tu l’aimes donc beaucoup ?

— Mais oui, maman.

— Il est beau ?

— La beauté est relative. Tout dépend de celui qui regarde et découvre ce qui lui plaît…

— Enfin… Pourvu qu’il soit bon, soupira maman.

Bon ? Non. Jean Gouve n’était pas bon…

Jean Gouve était un être odieux qui se moquait de tout ce qui n’était pas son ambition. Son regard était dur, sa bouche mince livrait le secret de sa rudesse, et son nez retroussé attestait la ruse non tempérée par l’éducation.

Pour le soir, je revêtis une robe bleu pastel, et je vins ainsi au dîner.