Page:Fiel - Mon erreur, paru dans La Croix du 22 mai au 14 juillet 1949.djvu/197

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vraient devant cette confiance mutuelle, cette tendresse si haute !

J’éloignai ces pensées, afin de ne pas m’affaiblir. J’avais à composer mon masque et à le tenir bien appliqué sur mon visage.

Il n’y eut pas de changement appréciable dans notre aspect au dîner. Il fut peut-être un peu plus silencieux, et la soirée se traîna.

J’aurais voulu me retirer très vite dans ma chambre, mais, par égard pour mes parents, je restai, affectant une gaieté qui contrastait violemment avec mes sentiments. Je pensais que le lendemain, à la même heure, Jean Gouve serait parmi nous, et j’étais sûre que mon père et ma mère s’efforceraient de le trouver bien. Quant à lui, je savais d’avance qu’il serait dépaysé.

Tout d’un coup, maman s’écria :

— J’aurai beaucoup de mal à dormir cette nuit, avec la perspective de voir demain l’élu de ton cœur, ma fille !

Ah ! il s’agissait bien d’élu !

Papa rit légèrement pour corriger ce que l’accent de maman contenait d’ironie.

— Je suis convaincu, dit-il, que Monique n’a pas fait un mauvais choix.

Je ne pus m’empêcher de lui jeter un regard désespéré. Il saisit sans doute mon expression au vol, parce qu’une inquiétude assombrit son visage.

Je prononçai bien vite et gaiement :

— Tu as raison, papa. Il se peut que ce monsieur ne soit pas le gendre souhaité par vous, mais l’essentiel est qu’il me plaise, puisque c’est moi qui passerais mon existence avec lui.