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trai très vite, ayant peur de voir surgir mon fiancé à un coin de rue.

Ensuite, je m’installai chez moi, et je me saisis d’une biographie bien sombre, afin de me trouver privilégiée par comparaison.

Cette lecture me réconforta un peu. Je compris qu’on rencontrait des êtres plus malheureux que soi. Des situations perd les, des erreurs judiciaires, des santés ruinées, des têtes innocentes coupées durant la Révolution. Mon cas n’était assimilable à nulle de ces tragédies. J’épousais un homme que je n’amais pas, mais mon père vivrait au moins tranquillement parce que je serais là pour veiller au contact.

Aurais-je pu goûter le moindre bonheur si j’avais évoqué mon cher papa sans cesse en butte aux manœuvres de ces ambitieux ? Une telle vie n’eût pas été possible, et il valait mieux souffrir en secret que de causer le malheur, l’angoisse de mes parents.

Plus tard, alors que je serais mariée depuis quelques années, j’éclairerais maman, en la priant de ne rien dire à papa, et j’aurais droit de nouveau à toute sa tendre estime. Cette journée était encore le meilleur des réconforts, et je m’y complaisais, ne songeant plus à l’heure qui passait.

Je fus réveillée de cette torpeur par maman et Berthe qui entraient dans ma chambre.

— Bonjour, Monique ! s’écria ma future belle-sœur.

— Comment ! vos achats sont déjà terminés ? dis-je sottement, ignorante du temps enfui.