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à du mécontentement, mais voir maman fâchée à ce point me désemparait. J’essayai d’avoir une bonne contenance quand je fus en face de ma famille. Une certaine politique m’incitait à être gaie, ou du moins assez sereine pour affirmer mon bonheur.

Maman me regarda profondément quand je m’assis à table. Sans doute scrutait-elle ainsi mon visage pour y découvrir des traces de larmes parce qu’elle me savait sensible. Mais j’en arrivais à un tel degré de tension de nerfs que je n’étais plus qu’un bloc de bois, et maman ne devina pas, d’après ma face rigide, l’affreuse détresse qui rendait mon cœur pantelant.

Bien que les aliments me fissent horreur, je mangeai, au risque de m’incommoder, mais la jeunesse a des ressources infinies.

Les sujets concernant mon aveu furent évités. Il me semblait qu’une « quarantaine » s’établissait autour de moi. On ne me boudait pas, mais chacun, gêné, évitait de me parler, ou tout au moins ne m’adressait pas la parole directement. Papa, seul, restait naturel et bon, avec cette bienveillance dont il ne se départait jamais et qui lui valait toutes les sympathies. Il n’y avait que ces Galiret qui ne reconnaissaient pas cette bonté et qui s’avisaient de spéculer sur elle.

Que je détestais ces gens !

L’attitude de mon entourage m’affectait cruellement, et je me laissai aller à un rêve compensateur, où mon rôle était dévoilé et où chacun me rendait justice. Ah ! je n’en étais pas encore là ! me levais de table dès que maman en eut donné le signal et, dans le