Page:Fiel - Mon erreur, paru dans La Croix du 22 mai au 14 juillet 1949.djvu/157

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chacun appréciait ? Il fallait n’avoir aucun sens de l’éducation, aucun respect de la personnalité. Je ne voulus rien répondre, de peur d’en trop dire, et je me contentai de lancer avec détachement :

— À tout à l’heure !

Je téléphonai donc à Mlle  Clarseil que j’aurais quelques commissions à terminer avant de me rendre chez elle. Avec son caractère idéal, elle m’assura que cela ne la dérangeait nullement de me recevoir à l’heure où je serais libre.

Alors, je m’acheminai vers mon destin.

J’avais besoin de ce répit pour calmer mon esprit. Cette course m’était nécessaire pour modérer ma révolte et mon chagrin.

Je passai sans cesse de la colère à la résignation. Au premier pas, j’étais résolue à envoyer promener ce Gouve maître-chanteur ; au deuxième pas, j’étais décidée à l’accepter ; au troisième, une fureur me secouait. C’est ainsi que j’accomplis le trajet, tellement absorbée par mes pensées que j’en étais inconsciente.

Quand je me vis en face de cet amphithéâtre dans lequel se fixerait ma destinée, je me disais que nul monument ne serait assez vaste pour contenir mon désespoir.

Devant le Palais de Justice, j’aperçus Jean Gouve. Il pensait sans doute que nous ne nous serions pas rencontrés dans les galeries. C’était possible. Dès qu’il me vit, il n’attendit pas et entra.