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Jean Gouve. Mon cœur s’arrêta. Je le crus du moins, mais je le sentis tout de suite battre de nouveau, ce qui me rassura.

Je m’enfilai vite vers la rue des Marchands, et tant pis pour Jean Gouve, si c’était lui.

Je sonnai à la porte des Durand, et ce fut Mme Durand qui vint m’ouvrir. À voir son visage placide, un peu moutonnier, je devinai tout de suite qu’elle était une brave femme.

— Entrez, Mademoiselle ; Berthe va être prête sans tarder.

Elle m’entraîna dans une pièce demi-salon, demi-bureau, où M. Durand s’occupait de reliure. C’était sa distraction favorite, et elle lui rapportait. De plus, elle l’instruisait aussi, parce qu’il lisait tous les livres qui passaient entre ses mains. Je trouvais cela fort intelligent, parce qu’il n’avait rien à débourser pour lire les bons auteurs, car d’habitude on ne fait pas relier les nullités.

Je le connaissais mieux, lui, et nous nous serrâmes la main, comme de vieux amis.

— Nous sommes bien contents, me dit-il, du bon mariage de Berthe. M. Léo est un homme sérieux, dont on ne pense que du bien, et M. et Mme Carade ont une belle place dans la ville.

J’étais ravie de ces appréciations, bien qu’une ombre noire, projetée par Jean Gouve, les altérât un peu.

— Nous sommes bien heureux, nous aussi, ripostai-je, que Léo ait remarqué Berthe.

— Oui, et heureusement qu’il l’a rencontrée chez Mme de Lorbel, sans quoi il ne serait pas venu la chercher au foyer d’un concierge.

Il rit joyeusement, ce qui me permit de ne pas répondre. Mme Durand murmura :