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Quand on a comme descendant un personnage sans délicatesse ni cœur, on n’a que faire des prévenances d’une nouvelle venue. Le tremplin que j’offrais pour le saut dans la bonne société contenterait leurs aspirations.

Ce qui nie préoccupait surtout pour le moment était la formule par laquelle j’annoncerais cette nouvelle à ma famille. Je pensais procéder comme Léo. Ce serait à table, devant tout le monde. Je prendrais mon air crâne, de façon que cette décision parût définitive. J’augurais qu’il me faudrait lutter et je déplorais que ce ne fût pas pour un mari m’agréant. Mais le destin était là, et je devais me soumettre.

L’exemple de Léo me permettait d’agir à mon gré. Devant toute observation ou remontrance, je pouvais répondre : « Et Léo, n’a-t-il pas fait ce que je fais ? Jean Gouve me plaît… »

Je plaignais mes parents en pensant à leurs amères réflexions. Ils seraient moins heureux que les Durand, parce que si ces derniers avaient couvé un cygne, papa et maman constateraient qu’ils n’avaient que deux canards.

Bien que je fusse déterminée à frapper ce grand coup, je n’étais pas sans me juger un aplomb infernal. Penser à conclure un mariage, mais l’affirmer à haute voix constituaient deux choses différentes.

La pensée vous appartient, mais la répandre…

Et le mensonge à porter toute ma vie ! Mais comment m’y prendre autrement ? Révéler les vraies fins de ce complot, je ne le pouvais pas sans risquer d’abréger les jours de mon père.

Quels remords alors pour moi !…