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Je lui jetai un regard désespéré et je m’enfuis comme si une légion de démons s’acharnaient à ma poursuite. Durant ce bondissement jusqu’à la maison, il me sembla que vingt sentiments se multipliaient en moi : l’amour, la fureur, la haine, le regret sans parler de tous les autres. Je me demandais par moments comment je pouvais résister à ce bouleversement.

À la maison, je me rendis directement dans ma chambre. Je tombai sur un fauteuil et je n’eus plus conscience que des battement précipités de mon sang.

Quand je pensais à Robert, une vie merveilleuse se levait devant moi. Mon chemin était jonché de fleurs et tout m’apparaissait facile et simple.

Et quand j’évoquais Jean Gouve, un gouffre plus noir que la nuit s’étendait devant mes pas.

Au dîner, je fus plus calme. Rien d’anormal ne se remarqua en moi, si j’en jugeais par le silence observé à mon égard. Je ne parlais pas mais je riais des plaisanteries de Léo et de Vincent.

Papa était encore soucieux et légèrement agité. Il me tarda que le temps passât afin que je pusse constater une sérénité stable sur son visage.

Il prévint Léo :

— Demain, je prendrai le temps d’aller chez M. Durand.

— Ah ! bien, répondit mon frère, tandis qu’un sourire de joie illuminait son visage.