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marane la passionnée

Cette phrase ne m’éclaira pas.

— Oui, je l’ai cru, mais il s’est conduit d’une façon vulgaire.

— Oh ! vulgaire ! se récria la fermière, blessée. Alors, vous ne viendrez plus ?

— Non.

Et je tournai les talons.

Je fus heureuse ce jour-là. Il me semblait que j’avais accompli une prouesse. Je fis une promenade exquise. J’escaladai des rochers, mais, malheureusement, la nuit survint vite et je fus forcée de rentrer.

Jeannic me demanda :

— Mamzelle ne travaillera donc jamais à des ouvrages de dames ? Il y a des pauvres à habiller…

— Ma pauvre Jeannie, tu ne sais donc pas que les pauvres ont trop de vêtements ? Toutes les dames des châteaux travaillent pour eux.

Je laissai la vieille bonne avec un haussement d’épaules de pitié. Ces choses m’étaient indifférentes.

le lendemain, alors que je ne m’y attendais pas, je me trouvai en face de Jean-Marie. Il avait une attitude empruntée. Je jugeai tout de suite qu’il était honteux. Cependant, il s’avança franchement vers moi.

Il murmura presque bas :

— Pardon, Mademoiselle.

— Tu voulais m’embrasser ? lui dis-je sévèrement.

Il baissa la tête sans me répondre. Je le questionnai :

— Était-ce pour me montrer ton affection ?

Il resta un moment silencieux, puis, à ma grande surprise, il remua la tête négativement en disant :

— Non.

Je criai :

— Alors, pourquoi ? Tu voulais flirter ?

— Flirter, qu’est-ce que cela veut dire ?

— C’est embrasser quelqu’un qu’on ne veut pas épouser. J’étalais ma science neuve.

— Je ne voulais pas flirter, Mam’zelle, mais je ne demandais pas mieux que de me marier avec vous, pour obéir à maman qui me le répétait tous les jours depuis que vous avez dit que je serais un ami.