Page:Fiel - Marane la passionnée, 1938.pdf/64

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
64
marane la passionnée

— Jamais M. Chanteux ne vient par ici, surtout à cette heure-ci.

— Eh bien ! ripostai-je avec insouciance, cela lui a chanté aujourd’hui.

Mais le jeune fermier ne se dérida pas.

Je le quittai pendant qu’il ramassait sa paille.

Je croyais Chanteux loin, mais je le rencontrai. Je voulus passer sans lui parler, mais il m’interpella :

— Alors, Mademoiselle, vous passez vos loisirs avec des garçons de ferme ? C’est du joli pour une demoiselle de bonne maison !

Je devins tout de suite furieuse et je ne fus pas longue à répondre :

— C’est inouï que je ne puisse rien faire que vous ne critiquiez !

— Pourquoi prêtez-vous à la critique ?

Le régisseur avait raison, mais je n’aimais pas avoir tort.

Je répliquai :

— Jean-Marie est le fils d’un de nos fidèles fermiers. Et s’il me plaît d’en faire mon ami ?

Un éclat de rire assez grossier me répondit.

J’étais toute déconcertée.

— Pourquoi riez-vous ?

— C’est complet ! Mlle de Caye se sauve d’une famille, en ouvre la porte comme une voleuse et rentre au bercail pour devenir l’amie d’un fils de domestique !

J’étais indignée. Il me semblait que tout le monde s’acharnait contre moi. Ce Chanteux m’avait traitée d’orgueilleuse, et, maintenant, il se moquait de mon humble penchant d’amitié.

— Mais, enfin ! dis-je avec éclat, ne pouvez-vous garder pour vous vos impressions ?… Je suis libre d’agir comme il me plaît ! Jean-Marie est un garçon honnête et bon.

À ma grande surprise, je voyais le visage de Chanteux changer. Son expression sarcastique avait disparu. Elle était remplacée par de l’émotion.

— Pardonnez-moi, Mademoiselle, je ne puis que vous approuver. Je n’avais pas bien compris votre pensée. Vous avez raison de vous lier d’amitié avec Jean-Marie, qui est fin