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marane la passionnée

— Et moi, Mademoiselle, je n’ai pas de conseil à vous donner, mais vous êtes trop orgueilleuse, et ce n’est jamais fameux.

Et le régisseur tourna les talons.

« Trop orgueilleuse ! murmurai-je déconcertée. Ai-je donc tant d’orgueil ? Je l’ignorais. »

Cette pensée se volatilisa cependant dans ma promenade. Je songeais à Jeanne.

Je me sentais davantage seule depuis que j’avais entrevu une amie. Tout aurait été changé dans ma vie et je retombais maintenant dans une solitude plus grande encore.

Je me dirigeai vers la ferme des Cordenec. Quand j’y entrai, la fermière triait des haricots. Jean-Marie venait de rentrer d’un travail dehors et se restaurait.

Son visage s’éclaira quand il me vit et il dit :

— Bonjour, Mam’zelle Marane !

La fermière se leva et un sourire glissa sur son visage à l’expression insaisissable.

— J’avais entendu que vous étiez à Rennes pour l’hiver, murmura-t-elle.

— Oui… j’aurais pu y rester, mais dans les villes on étouffe.

— Cela ne vaut ni la lande ni la mer, appuya Jean-Marie.

Je ne pensais pas beaucoup à ce que racontaient la fermière et son fils. Je me répétais les paroles de Chanteux :

« Vous avez trop d’orgueil ». Je n’avais jamais songé que je pouvais avoir de l’orgueil, parce que je ne réfléchissais jamais longtemps à mes actions. J’obéissais à mon instinct, et, quand les gens me plaisaient, j’allais vers eux. Malheureusement, peu de gens m’agréaient. Ainsi la fermière ne m’était pas sympathique, alors que Jean-Marie avait mes préférences.

Il disait :

— La petite fille du pêcheur Le Quan est tombée et elle a été malade. Je suis allé chercher des médicaments pour elle, et quand elle m’a vu, elle n’a plus voulu me laisser repartir. Je l’ai bercée doucement sur mes genoux et elle s’est endormie.

Je regardais Jean-Marie. Il avait un air doux et bon. Soudain, il me vint que je devais abattre l’orgueil qu’on me