Page:Fiel - Marane la passionnée, 1938.pdf/31

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
31
marane la passionnée

Quand elle se fut calmée, elle bégaya :

— Vous n’avez pas compris ?

— Compris… quoi ?

— Elles sont fardées !

— Qui ?

— Mes filles.

J’écarquillai les yeux comme si ma cousine me parlait hébreu. J’allais demander des explications, quand les trois jeunes filles entrèrent, gaies et charmantes.


III


Maman repartit le lendemain de mon arrivée. Mes adieux ne furent pas très affectueux parce que les quatre dames de Jilique me contemplaient.

J’avais l’horreur des manifestations en public. Dans mon cœur, cependant, je sentais un écroulement à l’idée de laisser ma pauvre petite maman s’en aller seule.

Les trois demoiselles Jilique s’emparèrent de moi et occupèrent mes instants.

Il fut entendu que je serais présentée à un professeur de chant, afin de cultiver ma voix, que mes cousines déclarèrent « admirable ».

Elles me faisaient beaucoup parler, mes cousines. Je racontais ma vie, ce dont elles étaient très friandes. Je détaillais, j’exaltais mes courses au bord de la mer, mes promenades dans la lande, l’intelligence de mes chiens.

Elles rirent beaucoup en apprenant qu’ils me tenaient par mes nattes, qu’elles soupesèrent. Clotilde me demanda si je me ferais couper les cheveux, mais leur mère se récria.

Jeanne me dit, et sa voix avait un accent mélodieux :

— La solitude ne vous pesait jamais ?

— Oh ! vous ne me tutoyez pas, Jeanne ?

J’avais lancé ces paroles dans une impulsion de mon cœur qui souffrait déjà par l’amie choisie.

— Mais si… j’avais oublié… nous sommes de si récentes connaissances ! Alors, ce désert de la lande ne te semblait pas trop solitaire ?