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marane la passionnée

— Non ! Non !

Ma crise de larmes était passée. Je ne me sentais plus que du rire au bord des lèvres. Je me redressai d’un bond et j’expliquai :

— Je vais fort bien et je suis heureuse ! Tu n’as donc pas encore deviné que M. Renaud de Nadière et M. Descré ne font qu’un ? Il est venu ici, pour cacher son chagrin d’avoir été si malheureux avec sa femme. Voulant être tranquille, il s’est caché sous son nom patronymique. C’est lui qui a épousé Jeanne. Tu vois quelle coïncidence extraordinaire ! Quand je t’assurais que j’aimais M. de Nadière, tu vois que j’avais raison. Je l’aimais par intuition, et j’ai aimé M. Descré parce qu’il incarnait le genre d’homme qui me convenait. Donc, cela ne pouvait être que le même personnage.

Ma mère était ahurie de ce que je lui annonçais, mais il fallait bien qu’elle se rendît à l’évidence.

Je fus bientôt assez calme pour lui narrer mon entretien avec Renaud de Nadière par le détail. Ainsi que moi, elle loua la Providence de ce concours de circonstances.

Puis, elle me dit :

— La situation devient fort délicate.

— Délicate ? Pourquoi ?

Je ne voyais nul obstacle à ce que mon plan se déroulât selon mes idées.

— Tu t’es sauvée un peu sottement.

— C’est vrai. Mais tout à coup les convenances se sont présentées à moi, et j’ai pensé que c’était mieux que M. de Nadière me demandât en mariage à ma mère.

— En mariage ! Il est loin d’en être question. Tu ne sais pas si tu lui plais.

— C’est forcé, je dois consoler ce pauvre Ned…

Je comprenais maintenant ce surnom de Ned. C’était à la fois Renaud et Nadière.

— Consoler ! répondit maman ; ce n’est pas prouvé qu’il le désire.

— C’est certain, et lui doit me faire oublier que Jeanne m’a causé ce chagrin.

— J’espère que vous ne parlerez plus de cette malheureuse. Elle a expié toute la peine qu’elle a faite et il faut la laisser en paix.