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marane la passionnée

— Lui ? questionna M. Descré :

— Lui voulait épouser Mme de Caye.

— Le misérable !

Le cher M. Descré serrait les poings dans une sainte colère.

Qu’il était beau ! Je pensais qu’il serait un excellent défenseur et il me semblait que mon mariage avec lui serait une bénédiction.

Je repris mon récit :

— Le jeune fermier a d’ailleurs avoué que la scène de ce malheureux baiser avait été préméditée. Puis est survenue la mort de Chanteux, et l’ordre est revenu.

Pendant quelques minutes, nous restâmes silencieux. La mer était pleine de rayons. Son murmure était doux, et dans le lointain, s’avançaient avec lenteur des voiles blanches.

— Marane de Caye apprit un jour la mort de son amie. À vrai dire, cette disparition ne l’affecta pas. Sa nature est ainsi faite qu’elle ne peut sacrifier à l’hypocrisie. Cette femme l’avait bafouée, s’était moqué d’elle et elle ne pouvait plus l’aimer. Toute sa faculté de pitié s’est retournée, vous ne savez pas vers qui, Monsieur ?

— Pas du tout !

— Devinez.

M. Descré me regardait comme s’il voulait déchiffrer sur le peu de visage que je montrais l’énigme que je lui posais.

Il murmura :

— Je serais incapable de deviner.

— Eh bien ! sa pitié s’est tendue vers le mari, ce M. Renaud de Nadière, qu’elle ne connaissait nullement. Elle voulait aller le trouver, non pour le plaindre d’avoir perdu sa femme, mais pour le réconforter dans son chagrin d’avoir eu une épouse semblable.

— Oh ! expliquez-vous plus clairement ! s’écria M. Descré, au comble de l’excitation et de la surprise.

— Soyez calme, Monsieur ! Vous êtes prévenu que Marane de Caye est une personne étrange qui n’agit pas comme toutes les jeunes filles. Eh bien ! elle était persuadée que M. de Nadière avait cruellement souffert du caractère de sa femme et qu’il avait été très malheureux.