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marane la passionnée

Maman ignorait encore que ces renseignements me venaient de M. Descré. Elle me questionna :

— Par qui as-tu connu ces calomnies ?

— C’est M. Descré qui m’a mise au courant. Il ne savait pas que j’étais Mlle de Caye et il m’a appris qu’on la disait cruelle, capricieuse, fantasque et de goûts vulgaires.

— Oh ! s’exclama maman blessée.

— Tu sens combien j’aurais du mal à effacer ces mauvaises impressions.

— J’espère que tu n’essaieras pas de te justifier et que tu laisseras ce monsieur en repos.

Mais déjà l’esprit de justice s’infiltrait en moi et jem’écriai :

— Je ferai toute la lumière ! je ne veux pas qu’un Chanteux triomphe !

— Pourquoi t’abaisser !

— Ce sera me relever. Je m’expliquerai avec M. Descré et ensuite, s’il veut m’épouser, je le refuserai ! Mon avenir de bonheur est perdu. Je ne serai pas la femme d’un être qui aura dans l’âme ces doutes horribles sur sa compagne !

— N’exagère pas, Marane.

— Oh ! maman. Moi, cruelle, tu ne le crois pas, dis, maman ?

Ma mère ne me répondit pas. Je compris qu’elle n’était pas éloignée d’avoir cette pensée.

— Ma petite maman, insistai-je d’un accent pathétique sois sûre de mon cœur. Ce Chanteux me révoltait tellement ! Je frémis encore de douleur en pensant qu’il voulait remplacer papa !

— Je te pardonne, Marane, mais l’épouvante est dans mon cœur.

— Non, maman, non.

Je voulais empêcher ma mère de parler. Cette scène me brisait parce qu’elle venait sur ma peine d’amour. Être jugée ainsi par celui que j’aimais, me faisait l’effet de gouttes de plomb tombant sur mon cœur, et le pardon arraché à ma mère me paraissait une dérision.

J’avais hâte, maintenant, de revoir M. Descré pour lui raconter ma vie. Une horrible nuit régnait en moi. Si courageuse à l’habitude, je ne savais plus quel parti prendre.