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marane la passionnée

— Que se passe-t-il encore ?

Je restai un moment sans répondre, puis je criai :

— Ce misérable Chanteux m’a discréditée dans les environs !

Maman devint pâle, puis elle murmura :

— Je savais bien que ces choses finiraient mal.

— Et pourquoi ? À cause de cet homme exécrable ! J’allais tranquillement dans la vie, ne commettant rien de répréhensible. Il a fallu que ce régisseur ambitieux voulût nous amoindrir. Il est mort, tant mieux !

— Marane !

Maman se dressait devant moi. Ses yeux agrandis se fixaient sur les miens, brillants comme deux escarboucles.

— Je répète mes paroles. Je n’ai jamais eu peur, heureusement, de ce voleur qui voulait devenir ton mari.

Ma mère fléchissait sur ses jambes.

— Marane ! murmura-t-elle en un souffle rauque, ne me rappelle pas ces circonstances ! Je ne sais que trop que tu as voulu te venger. Depuis ce temps, je lutte avec ma conscience. Je devrais te… te dénoncer.

Elle avait voilé son visage, et elle sanglotait dans ses mains.

— Quelle idée ! criai-je, bouleversée par la terreur, me dénoncer ! Et pourquoi ?

— Parce que tu as tué Chanteux ! murmura ma pauvre maman.

J’eus un frisson. Quel devait être le martyre que vivait ma malheureuse mère ! Pourtant je ne pouvais la tranquilliser. Elle guettait avidement le geste qui la rassurerait, mais je ne pus le faire. Ma gorge se nouait. Je craignais des complications.

— Maman ! maman ! implorai-je en pleurant, ne te torture pas ! tout s’effacera ! essaie de croire en ta fille. Je suis si malheureuse !

Mon chagrin crevait. De longs pleurs sortaient de mon être. Mes épaules étaient secouées par la violence de mes sanglots et je bégayais :

— C’est fini ! jamais plus il ne pourra m’aimer. Mon existence à peine commencée est déjà terminée.