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marane la passionnée

Je ne baissai pas mon regard et je repris :

— Ceux qui sont méchants doivent périr.

— Juste Ciel ! s’écria ma compagne.

— Mais oui, Madame, le Ciel est juste, aussi Monsieur votre fils a-t-il été débarrassé de sa femme.

— Vous êtes terrible.

— Non, j’ose simplement affirmer mon opinion. Vous avez pensé ce que je dis, mais vous avez eu des scrupules pour l’avouer, parce que vous êtes modérée et bien élevée.

Je parlais comme une personne autorisée et Mme Descré, confuse par cette vérité que je lui imposais, ne savait que répondre.

Elle tourna la difficulté :

— Vous conversez souvent avec Mme de Caye ?

— Cela dépend des jours. À force de vivre en commun, les sujets s’usent.

Nous étions arrivés à la limite de nos propriétés. Je brusquai les adieux. J’aurais désiré que Mme Descré m’invitât pour le lendemain, mais elle ne le fit pas. Je compris que je lui avais déplu. Cela me chagrina, mais mon esprit se concentra sur « Ned ».

Je revins au manoir dans les meilleures dispositions. L’existence s’ouvrait de nouveau devant moi, comme une gerbe de fleurs. Nous étions tous les deux, Ned et moi, des victimes du destin.

Maman me reçut froidement :

— Enfin, te voici, après être sortie sans mon autorisation !

— Oh ! maman, tu ne pouvais guère m’empêcher de manquer de parole ! Puis, on n’enferme pas une jeune fille quand s’épanouit le printemps.

J’étais gaie, et je continuai au même diapason :

— J’ai une nouvelle à t’annoncer : M. Descré n’est pas marié, mais il est veuf.

— Tu me dis une chose tragique d’un air heureux ! Ne comprends-tu donc pas ce qu’est un veuvage ?

— Il y a veuvage et veuvage. Tu as pleuré papa qui était bon, mais M. Descré pleure simplement ses illusions, non sa femme.

— Marane !