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marane la passionnée

Elle m’aperçut, immobile, songeuse.

— Que vous est-il arrivé ? s’enquit-elle avec crainte.

— Le mouvement m’était devenu tout à coup nécessaire, répondis-je d’un air grave.

— C’était une crise ? Vous y êtes sujette ?

Ah ! le bon rire qui s’échappa de mon gosier !

— Non…, non…, articulai-je.

— Vous êtes bien bizarre. Votre nature est rare.

Son ton était un peu ironique.

— Oui, répliquai-je tranquillement, je sais que la plupart des gens sont fourbes, tandis que moi, je suis loyale.

— En êtes-vous sûre ? interrompit-elle.

Je tressaillis parce que je me dérobais sous un faux nom. Ce n’était pas très franc, évidemment.

Puis, j’avais un secret au fond de ma conscience.

— Je suis certaine, dans tous les cas, de ne faire de mal à personne !

Je prononçai ces mots avec un peu de raideur, moi aussi, voulant montrer par là que je n’aimais pas non plus les intrusions.

Puis, tout à fait illogique, je demandai :

— Qu’est-il donc arrivé à Monsieur votre fils ? Il est jeune, et la vie sera longue pour lui s’il reste ainsi muré dans son chagrin.

J’avais pris un ton insinuant, plein de pitié pour amener des confidences.

Mme Descré n’y tint pas. Devant la grandeur de la mer, devant ce printemps qui soulevait la terre, elle crut à ma compassion qui n’était chez moi qu’un besoin avide de savoir.

— Mon fils s’est marié, dit-il, avec une jeune fille qui l’a ensorcelé. Il la croyait bonne et sans complication. Malheureusement, elle était fausse, rusée et aimait le mal. Elle savait que mon fils l’aimait tendrement, et elle a abusé de cet amour.

— Quelle rosse ! criai-je impulsivement.

— Oh ! Mademoiselle !

— Pardon, Madame. C’est le seul mot qui me soit venu à la bouche, en entendant ce lamentable récit. Les femmes, souvent, prennent plaisir à gâcher la vie des autres.