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marane la passionnée

— Pas du tout !

Après cette affirmation, catégorique, je me tins immobile, songeuse. Au fond de mon âme surgissait une merveilleuse éclosion. L’aube d’un beau destin se levait et la vie s’établit devant moi, comme une fête continue.

Un émoi tremblant, joyeux, m’inondait. Je riais sans le savoir et j’avais du mal à retenir le chant qui bruissait dans mon cœur.

— Où vas-tu ? où vas-tu ? se lamenta maman.

Je ne répondis pas, parce que, soudain, mon bonheur recula dans l’obscurité. Je fus saisie d’une peur folle que cet homme me dédaignât et méprisât mon attachement.

Mais pourrait-il repousser mon cœur neuf et la tendresse si pure qui m’animaient ?

Ma confiance et ma candeur lançaient un « non » hardi.

Je crânai et je dis en riant :

— Quelle histoire sombre pour si peu de chose ! J’aimerai ce monsieur en silence, et il ne saura même pas qui je suis. Sais-tu que je me suis fait passer pour ta dame de compagnie.

Maman se couvrit le visage de ses mains.

— J’avais des lunettes jaunes de papa, avec une casquette à mentonnière qui cachait presque ma figure. Mon aspect était si vieillot que la mère de ce grand fils paraissait plus jeune que moi !

Après avoir dit ces mots, j’éclatai d’un nouveau rire qui résonna comme une cascade.

— Pourquoi as-tu agi de cette façon burlesque ?

— Pour obéir à ton désir. Tu craignais que je ne fusse compromise, alors je me suis abritée sous le seul moyen à ma portée. Je m’appelle Maria Lespir.

Je racontai notre rencontre par le menu.

— Quelle comédie ! gémit ma mère.

Je ne relevai pas cette exclamation. Mon attention se concentrait sur le jour qui baissait. La brume ne s’était pas dissipée et le crépuscule s’emparait du paysage. Or, j’aurais voulu me promener.

Maman me dit :

— Je suis très mécontente que tu t’exposes à des aventures aussi ridicules. Que diront ces personnes lorsqu’elles connaîtront ta personnalité ?