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marane la passionnée

Je trouvais merveilleux que l’amour fût nouveau. Je savais que le monde avait toujours aimé, et je m’étais figuré que ce sentiment, vieux comme la création, était terne et fade. Je le découvrais lumineux, neuf, et il me semblait que, seule, je le jugeais à sa profondeur, tellement il m’apparaissait surprenant.

Je dormis bien peu durant la nuit qui suivit cette révélation.

Maman avait pris le parti de m’écouter sans plus me critiquer.

Peut-être avait-elle jugé que ma franchise était une garantie de ma loyauté.

Cependant, le lendemain, quand elle me vit avec mes yeux cernés et mon visage pâli, elle me dit sévèrement :

— J’espère que tu n’enfreindras pas mes ordres et que tu ne franchiras pas les limites du parc.

— Je ne puis te le promettre ! criai-je vivement.

— Je ne veux pas que tu tentes de revoir ce Monsieur !

— Je veux le revoir ! Ne sens-tu pas qu’il est maintenant l’espoir de mes jours ?

— N’ajoute pas à tes folies. Dorénavant, tu te promèneras avec moi, selon mes forces. Je t’ai laissé trop de liberté. Tu as des allures d’une indépendance qui devient outrancière. Tu t’es suffisamment compromise, et je ne tiens pas à ce que tu t’enfonces dans des habitudes qui ne sont pas de mon goût.

J’écoutais ma mère avec stupéfaction. D’abord, je ne pus l’interrompre, mais, jugeant qu’elle voulait me séquestrer, me surveiller et détruire la joie qui se levait pour moi, je criai impétueusement :

— Je ne me laisserai certainement pas conduire comme une enfant, maintenant que je viens d’apprendre la beauté de la vie ! Je suis une femme dont le cœur s’est ouvert et nul ne peut m’empêcher de jouir de ce bonheur.

— Que veux-tu donc ? demanda ma mère avec inquiétude.

Ma ferveur s’éteignit sous cette question directe. Que voulais-je faire ? Je n’avais pas de but et nul plan. Je ne songeais qu’à revoir M. Descré, sans plus.

Quand j’eus compris que rien d’autre ne se dessinait dans mon esprit que cette innocente perspective, je répondis :