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marane la passionnée

qui vous rendra riche. Je n’insiste pas sur l’avantage que vous auriez à vous décider pour ce dernier parti. Il ne faut pas vous arrêter à l’idée de mésalliance, ce sont des mots usés, ce qu’il faut, c’est vivre. Et avec moi, vous aurez une vie de luxe.

Chanteux se découvrait maladroitement. Il parlait de luxe sitôt le mariage, tandis qu’actuellement, il mettait toujours la ruine en avant.

Chanteux, le bien nommé, pratiquait le chantage.

Maman prononça fermement :

— Non, Chanteux.

Que se passa-t-il dans l’âme de cet homme ?

Fou, désespéré, il hurla un blasphème.

J’entendis un cri. Je me précipitai, pour voir l’infâme régisseur portant les poignets de ma mère à ses lèvres.

Je m’élançai et lui serrai un bras avec violence. Il eut un grincement de douleur et lâcha les mains de maman qui retomba, livide, sur son siège.

J’avais une cravache dont je n’avais pas osé me servir, de crainte d’atteindre ma mère. Mais quand je vis Chanteux loin d’elle, je le frappai.

Quelle jouissance ! La fureur indignée me portait, et deux coups secs cinglèrent l’homme. Il eut sa revanche en saisissant mes doigts qu’il tordit. Je poussai une exclamation de rage et je me dégageai.

Il s’enfuit.

Une justice me soulevait. Je voulus suivre le régisseur, mais un appel de maman me retint :

— Marane !

Je fermai la porte et je revins près d’elle.

— Cet homme est un lâche ! criai-je dans un état d’exaspération qui touchait à la démence.

— Calme-toi, Marane.

— C’est épouvantable, il t’a embrassé les mains !

Dans mon innocence, j’ignorais qu’une sorte de folie prenait les hommes qui étaient amoureux d’une femme.

— Quelle horrible chose, murmurait maman.

— Tu as honte comme moi ; tu sais, ce jour où Jean-Marie voulait m’embrasser.