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— Il ne me l’a pas demandé, répondit Colette un peu embarrassée.

— La trouver est l’enfance de l’art pour un homme déterminé ! s’écria le fils aîné.

— C’est, dans tous les cas, une grande preuve de discrétion, reprit M. Tiguel.

Mme Tiguel admira les paroles de son mari, qui lui semblèrent pleines de bon sens. À cause de cette qualité, d’ailleurs, il était fort apprécié des ingénieurs sous l’autorité desquels il travaillait. Il avait conquis sa situation par son sérieux et son intelligence pratique.

Les trois garçons pariaient pour la banlieue où se trouvait cette maison. L’un voulait une rivière pour pêcher, l’autre une forêt proche et l’aîné, qui aimait les sports, désirait qu’il y eût à proximité un terrain de golf ou de foot-ball.

La soirée se passa en hypothèses.

Trois jours s’écoulèrent sans que rien de nouveau se passât. Mme Tiguel devenait nerveuse et Colette regrettait d’avoir parlé.

Le quatrième soir, M. Tiguel revint avec un visage éclairé et il annonça tout de suite en entrant :

— J’ai reçu une visite. Je vous raconterai cela à table.

Les traits de sa femme s’illuminèrent. Colette eut un sourire instantané et les trois garçons sautèrent de joie. Tout le monde fut bientôt dans un silence profond.

— Ce jeune homme, qui est fort bien, commença le père, s’appelle Jacques Balliat. Il est employé de banque et il habite avec sa mère veuve. Il a eu par héritage, une petite maison de quatre pièces à Cormeilles… Il y a un jardin autour avec des arbres fruitiers. Il m’a dit qu’ils n’allaient jamais dans cette habitation, parce que sa mère ne peut bouger, ayant le col du fémur cassé. Il m’a parlé des circonstances dans lesquelles il avait vu Colette. Il a deviné que nous aimions tous la campagne et il met sa maison à notre disposition.

— Quel chic type ! s’écria le fils aîné.

— Sa pauvre mère, gémit Mme Tiguel.

— Pourquoi ne loue-t-il pas sa maison ? demanda Colette.

— C’est ce que j’ai objecté. Il prétend qu’il voudrait d’abord y apporter quelques modifications, indispensables pour une location. Alors, en attendant, il nous en offre l’agrément.

— Et nous irons ? demanda Mme Tiguel.

— Aussitôt que j’aurai pris des renseignements.

Il y eut un silence. Mme Tiguel prévint que l’on pouvait se risquer sans inconvénient à accepter l’offre aimable de Jacques Balliat.