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Un petit silence, puis Colette murmura :

— Qu’il ferait bon à la campagne !

— Vous n’y allez jamais le dimanche ?

— Une fois par an, peut-être… mais nous n’y connaissons personne… et c’est assez fatigant de n’avoir pas un coin où se reposer librement, un jardin, par exemple où l’on pourrait être un peu chez soi… J’ai mes parents et trois frères… déjeuner sur l’herbe au milieu d’inconnus, ce n’est pas tentant.

— Il est évident que c’est un déplacement qui constitue une fatigue…

— Oui, on perd tout le bénéfice de l’air. Me voici arrivée… Au revoir, Monsieur.

— Au revoir, Mademoiselle.

Colette ne parla pas à ses parents de cette rencontre assez banale et de ces propos à bâtons rompus.

Elle dîna gaiment en compagnie de tous les siens. Ses frères, dont l’âge variait de douze à dix-sept ans, se chargeaient d’apporter de l’animation. Elle-même venait d’atteindre vingt ans.

Le lendemain, elle fit le trajet avec son amie Marcelle qui lui raconta que Léonie, une des ouvrières, lui avait proposé son cousin en mariage. C’était un cultivateur non dégrossi qu’elle voulait absolument placer parmi ses compagnes, dans une intention serviable.

Elle ne parlait que du retour à la terre et elle pensait qu’enlever une parisienne à l’anémie, à la chlorose et à la phtisie, était une bonne action.

Mais aucune de ces midinettes élégantes ne voulait de ce prétendant.

Les deux jeunes filles riaient en commentant cet épisode.

Au moment de se séparer, Colette dit :

— Tu viendras dimanche ?

— Non, ma tante veut aller chez ses cousines et je suis obligée de l’accompagner… Il faut que je sois prudente, car il y a l’héritage de ces demoiselles qu’il ne faut pas perdre de vue…

— Alors… amuse-toi bien !

— Quelle ironie ! Je m’ennuie affreusement entre ces trois dames.

— L’argent est dur à gagner ! riposta Colette en riant, faisant allusion au fameux héritage.

Pendant quelques jours suivis, les deux amies revinrent ensemble, puis un soir, alors que Marcelle était restée chez elle avec une migraine intolérable, Colette revit le jeune homme qui lui avait parlé.

Il la salua et dit :