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— Ma méchanceté, devrais-tu dire ? Non, je n’entre pas en religion uniquement pour expier, c’est aussi parce que je sens que là, seulement, je serai heureuse. Ma cruauté envers toi a été la pierre de touche qui m’a fait comprendre que ma vie était là… Le miracle s’est produit…

Tu me permettras de t’offrir, pour ton cadeau de mariage, la montre offerte par les cousines.

Colette attira son amie contre son cœur, et elles confondirent leurs larmes en s’embrassant tendrement.

Mme Tiguel entra à ce moment, et elle dit sévèrement :

— Marcelle, ne donne pas une nouvelle émotion à Colette, n’est-ce pas ?

— Maman… ne la gronde pas ! c’est une sainte !

Mme Tiguel s’immobilisa, surprise. Elle regarda Marcelle qui lui dit simplement :

— Madame… je vous dis au revoir… Colette vous mettra au courant de mes projets… Veuillez encore m’absoudre pour tout le mal que j’ai commis.

Mme Tiguel ne fut pas peu étonnée de ce que sa fille lui apprit après le départ de Marcelle.

Le lendemain, Colette put recevoir Jacques Balliat. Son émotion égalait celle du jeune homme. Puis, leur cœur se calma et Jacques put murmurer :

— Ma chère petite Colette… enfin vous allez mieux… j’ai été deux fois fou de douleur, une première fois parce que je vous croyais fiancée, et ensuite parce que vous étiez si malade… Ah ! combien j’en veux à cette Marcelle !

Ne lui en veuillez plus ! sa vie entière rachètera ce moment de folie… Elle consacre son existence à Dieu pour soigner les pauvres.

— Ah !

Jacques Balliat se souvint alors de l’attitude de la jeune fille, cette attitude étrange qui leur en avait imposé, comme si un reflet de sa vie austère la revêtait déjà. Cependant Jacques ne s’appesantit pas ce jour-là, sur cette vocation expiatrice. Son amour inquiet sollicitait des précisions qui le concernaient et il demanda timidement :

— M’accepterez-vous encore pour mari ?

Elle le regarda de ses doux yeux consentants et lui tendit la main. Il baisa cette main affinée par la maladie.

C’est ainsi que leurs fiançailles se conclurent.



IMP. A. GOMÈS, 96, BOUL. JEAN-BRUNHES — TOULOUSE — N°3