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son amie, mais elle cherchait sans le trouver, le chemin pris pour que sa compagne arrivât à ce résultat. Puis, fatiguée par cette question obsédante, la pauvre petite tomba dans l’inconscience.

Vers 16 heures, il lui sembla qu’elle allait mieux et voulut se lever. Bien que sa mère le lui déconseillât, elle essaya, mais elle s’évanouit au grand effroi de Mme Tiguel.

Cette alarme passée, la mère pria une voisine de téléphoner au docteur. Il arriva vers 18 heures et sa bonne voix apporta déjà quelque réconfort. Il lui fut expliqué que Colette était rentrée avec un grand mal de tête, à la suite d’une émotion.

Il examina soigneusement la malade qu’il avait vue toute petite et dit :

— Ce ne sera rien… tu vas rester bien tranquille, ma petite enfant, tu as besoin de repos…

Il écrivit une ordonnance, puis, hors de la chambre de Colette, il confia à la mère :

— Je crains une fièvre cérébrale… Je vais tout tenter afin de l’enrayer. La fièvre est intense… Attendez-vous à du délire… Que personne n’entre dans sa chambre.

Il partit après avoir indiqué encore quelques sévères prescriptions.

Quand elle fut seule, Mme Tiguel eut un accès de désespoir, elle aussi.

De nouveau, elle eut recours à sa voisine, ou pour garder Colette, ou pour chercher les médicaments exigés. La voisine choisit de faire la course, et la mère revint près du lit de la malade, après avoir composé son visage. Ce n’était pas utile, parce que Colette ne la reconnut pas.

Quelles heures la pauvre femme vécut ! Elle maudissait tour à tour J. Balliat et Marcelle… Ah ! si elle avait pu les tenir tous les deux sous ses poings…

Cependant, quand la jeune fille vint la voir au retour de l’atelier, elle ne put que pleurer devant elle.

— Je viens savoir ce qu’a Colette, Madame… j’espère que ce n’est pas grand chose ?

— C’est… c’est très grave, sanglota Mme Tiguel, elle a eu une grosse émotion… elle ne peut recevoir personne… elle a le délire… je ne puis vous parler plus longtemps… à demain…

Ce fut tout ce que put prononcer la mère désespérée. Elle craignait que Colette entendît, et elle ne se trouvait pas assez de sang-froid pour s’expliquer posément avec Marcelle. Il ne fallait pas qu’elle risquât une accusation inconsidérée pour rendre malade une seconde jeune fille.