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Attends quelques jours, et si tu rencontres Mlle Tiguel, tu pourras lui demander des explications…

— Je ne veux pas qu’elle se moque de moi !

— Ne cède pas à un sentiment d’amour-propre excessif… Sache te dominer et patienter, tu n’en seras que plus fort…

— Patienter !… je suis hors de moi !

La colère le tenait entre ses griffes et il ne pouvait s’en détacher, car elle le tenait solidement.

Cependant le chagrin fut le plus fort et le terrassa. Des larmes inondèrent son visage et il gémit sur sa défaite… Son premier amour ! Il était renié par celle en qui tout son espoir était remis…

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Colette, dans sa chambre, était radieuse.

Si Jacques ne l’avait pas demandée en mariage officiellement, les paroles entendues ressemblaient à des promesses bien claires et bien fermes.

Elle se remémorait les mots si doux qui la berçaient. Ils sonnaient encore à ses oreilles, comme un chant dont elle ne se lassait pas.

Sa mère entra…

— Ah ! maman !

Elle raconta son bonheur et demanda :

— Je ne rêve pas, n’est-ce pas ?

— Ma petite fille, je ne le crois pas… Si tu as bien entendu, il me semble que M. Balliat tient à toi… Nous verrons ce qu’il va faire… sois raisonnable pourtant, les hommes peuvent varier dans leurs sentiments…

— Oh ! non, maman… pas Jacques…

Mme Tiguel était tellement émue et éblouie, que le bonheur de sa fille lui faisait mal, et elle aurait voulu que Colette fût plus paisible dans son espoir.

La nuit de Colette fut très agitée, mais le lendemain matin, elle chantait comme une alouette.

Elle partit pour son travail dans une allégresse qui l’embellissait encore. Elle souriait aux anges, et elle aurait voulu répandre le feu intérieur de sa joie sur toute l’humanité.

La matinée passa comme un rêve. Elle rentra dans sa famille, se croyant des ailes, tellement son pas était aérien.

Elle contempla, tout attendrie, le ménage que formaient son père et sa mère.

« Il faudra que ce soit ainsi dans notre intérieur » se dit-elle fermement… mais quand on s’aime, ce doit être facile.