Nulle ironie, nulle acrimonie dans les paroles. Pas une pointe acérée sur la partie de campagne, pas une parole qui rappelât même qu’elle avait eu lieu. Colette croyait rêver, mais en même temps son esprit se détendait et son appréhension se dissipait.
La pauvre Colette s’illusionnait. Il avait fallu à Marcelle une énergie surhumaine pour jouer ce rôle d’indifférente, alors qu’elle avait le cœur ulcéré. Sa nuit avait été des plus mauvaises et, dans son cerveau enfiévré, elle avait retourné les plans les plus fantastiques. Elle en arriva au plus simple déduit de la réalité. Colette n’était pas encore fiancée, sans quoi son attitude eût été différente avec Jacques Balliat. Celui-ci, sans doute, cherchait à se marier, et il choisirait celle qui saurait le conquérir.
Donc Marcelle se trouvait libre de se porter comme candidate. Elle s’y efforcerait de toute son adresse et se montrerait pleine de séduction.
N’était-elle pas jolie, et gracieuse quand elle voulait s’en donner la peine ?
Pourquoi Colette au lieu d’elle ? Cette dernière ne devait tout de même pas posséder toutes les chances ! Une famille la protégeait, tandis qu’elle, Marcelle n’avait rien qu’une tante dont les idées ne cadraient pas avec les siennes.
Son chemin, pour parvenir au but, lui parut des plus faciles : elle irait voir la mère de Jacques Balliat. Elle saurait alors se faire valoir, être modeste et fière tout à la fois, accuser un dévouement sans limite, et une bonté sans égale.
Pour cela il fallait endormir la méfiance de Colette, être gentille avec elle et ne plus lui parler de Jacques Balliat. Elle se blâmait d’avoir été si violente le veille et se disait qu’elle n’obtiendrait jamais rien, en laissant percer ainsi tous ses sentiments, surtout les mauvais qui lui encombraient le cœur.
Si quelques remords se glissaient en elle, tout de suite elle les jugulait en se persuadant qu’elle avait le droit de lutter pour son avenir. N’était-elle pas seule, en face d’une parente qui ne possédait aucune initiative ?
Colette n’était pas fiancée, donc, elle ne lui volait rien… Si elle l’était, elle, Marcelle l’ignorait et la route se trouvait libre. Il y avait bien la question de la délicatesse morale, mais quand il s’agit de défendre sa vie, l’instinct prime tout. Du moins en est-il ainsi pour des âmes peu scrupuleuses.
Marcelle se croyait autorisée à rendre visite à Mme Balliat, du moment que son fils l’avait comprise dans l’invitation collective.
Elle pourrait très bien invoquer la grande pitié que lui inspirait la recluse, pour masquer son intention véritable sous un sen-