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de la distraction et qu’elle apprécierait les attentions qu’on aurait pour elle.

Son regard alla de Colette à Marcelle et celle-ci, remplie de sang-froid, répondit d’un ton gracieux, qu’elle accompagnerait volontiers ses amis.

Jacques Balliat la remercia, tout en souriant à Colette dont la timidité l’attendrissait.

Il passa là une heure, puis repartit, alléguant qu’il ne pouvait laisser sa mère seule plus longtemps, ayant l’habitude de lui consacrer la majeure partie de ses dimanches.

Quand il serra la main de Colette, elle s’imagina qu’il retenait ses doigts un peu plus qu’il ne le fallait et elle en fut contrariée parce que Marcelle l’épiait.

Quand Jacques Balliat eut disparu, un moment de silence s’établit entre les quatre personnes qui reprirent leur place.

Mme Tiguel comprit alors que la présence de Marcelle était de trop.

Mais impossible de manifester quoi que ce fût de ses sentiments ! Il fallait refouler tout cela au fond de soi jusqu’au retour à la maison et l’humeur de Mme Tiguel s’en assombrit quelque peu.

Quant à Colette, elle restait encore étourdie par cette brusque arrivée. Cependant une joie s’infiltrait en elle et commençait à déborder de son cœur. Se pouvait-il qu’elle plût à ce jeune homme ?

Elle aurait voulu que sa mère le lui affirmât, mais elle ne pouvait rien demander devant Marcelle. À peine osait-elle la regarder parce qu’elle sentait son regard noir se poser sur elle sans bienveillance. Elle devinait sa rancune jalouse et elle connaissait d’avance tous les reproches qu’elle entendrait.

Quelle erreur de l’avoir conviée ! En voulant faire plaisir à cette esseulée, Mme Tiguel préparait à sa fille des scènes navrantes, où l’envie jointe à la jalousie, allaient s’exercer.

Marcelle pensait avec tant d’agitation qu’elle n’avait plus la force de parler. Sa rage croissait. L’hypocrisie de Colette lui devenait de plus en plus évidente et elle se promettait de la secouer vertement.

Les jeunes filles restèrent tête-à-tête.

Marcelle murmura d’une voix changée par la colère :

— Je le savais que tu avais un secret !

— Oh ! ne profite pas de notre solitude pour me dire des méchancetés… Savourons ce beau temps, et laissons l’aigreur de côté…

— Naturellement, tu te défends en m’attaquant, mais rien ne