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Le Mari d’Émine



I


— Ah ! voici encore un jour qui passe sans rien amener de nouveau dans ma vie ! Je croyais que, à dix-huit ans, les événements se succédaient… Mais non… : aujourd’hui est toujours semblable à hier…

La jeune fille qui prononçait ces paroles arpentait, suivie d’un chien, l’allée d’un parc. Il était huit heures du soir, mais le printemps était lumineux et la belle journée était encore claire.

Émine de Sanpécune vivait, avec son père, dans une grande demeure appelée le château. C’était une bâtisse carrée dont son propriétaire ne tirait nul orgueil. C’était un homme de science, un archéologue convaincu, et il ne pensait qu’à ses vieilles pierres et aux inscriptions qu’il déchiffrait dessus. Depuis longtemps, il avait scruté chaque pan de muraille de son habitation, afin d’y découvrir une rareté ; mais rien n’ayant frappé sa vue, il la dédaignait quelque peu.

Il s’occupait fort peu d’Émine qui n’avait plus de mère. La pauvre petite l’avait perdue quinze ans auparavant. Elle ne pouvait évoquer cette douce figure, dont elle se souvenait parfaitement, sans un regret désespéré. Elle s’abandonnait alors à des pleurs, elle si gaie, si optimiste, et elle en sortait tout étourdie.

Il lui semblait que tout eût été autre dans sa vie, avec cette petite maman qu’elle chérissait.