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— Tu as été renversé par une auto, Manaut ? lui demanda Plit. On dirait que tu es malade…

— Moi ? s’étonna Gérard, pas du tout.

— Alors, que t’est-il arrivé ? Mme Alixin t’a mal reçu ?

— Au contraire, c’est une dame qui semble bonne…

— Vous avez les empreintes ? questionna le patron.

— Les voici.

— Bon. Occupez-vous des clés.

Silencieusement, Gérard commença le travail pendant que Plit l’observait. Son attitude absorbée, ses arrêts dans les gestes, ses regards perdus dans le lointain, l’intriguaient au plus haut point.

Soudain la porte s’ouvrit et Mme Alixin se montra.

— Monsieur Bodrot, s’il vous plaît ?

— C’est moi, Madame.

— Je suis Mme Alixin chez qui vous avez envoyé un ouvrier.

— Parfaitement, Madame.

— Je désirerais vous parler en particulier, Monsieur.

— A votre service, Madame.

Le patron, assez surpris, mais nullement inquiet, introduisit sa visiteuse dans une petite pièce qui lui servait de bureau. Dès que la porte se fut refermée sur eux, Mme Alixin demanda :

— Etes-vous sûr de l’ouvrier que vous m’avez envoyé ?

— Oh ! Madame.

Et le patron Bodrot eut un sourire qui voulait signifier :

— Si vous vous doutiez du personnage que vous aviez chez vous, sûrement vous l’inviteriez à votre table.

Plus perplexe que jamais, Mme Alixin raconta l’incident. Le patron l’écoutait, légèrement décontenancé. Après quelques instants de silence, il murmura :

— Je suis fort surpris de la conduite de cet ouvrier, mais je vais l’appeler et il nous expliquera lui-même sa manière d’agir.

Le patron entr’ouvrit la porte et appela :

— Gérard !

Plit répondit :

— Il vient de sortir pour aller chez un fournisseur.

Mme Alixin avait entendu cette réplique et elle regarda Bodrot d’un air triomphant.

— Vous voyez que je le fais fuir, cet ouvrier ! Cependant, quand il est entré chez moi, il paraissait normal… J’ai même été frappée par ses manières polies ; je me suis même dit : « Voici un jeune homme comme on en voit rarement… »

Le patron Bodrot réfléchissait. Il devinait que Gérard avait été surpris par une cause ignorée. Mais il voulut être prudent ; la vie de Manaut ne le concernait pas. Il était peu bavard et il