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Tout de suite il fut catalogué, enregistré dans la maison. Il viendrait faire six heures de présence par jour, à partir du lendemain.

L’entretien ne traîna pas. Il n’y eut aucune de ces phrases aimables et inutiles qui sont les fleurs de la vie. Il y avait tout bonnement le suc de la vie, la réalité, le positivisme. Time is money.

Gérard se retrouva dans la rue, un peu éberlué de se savoir aussi rapidement accueilli et non moins vivement expédié. Malgré sa sérénité, il était un peu surpris de constater que le fils du banquier Manaut n’avait pas soulevé plus d’égards.

Il restait décontenancé et ne savait plus que faire de sa journée. Puis l’idée de se rendre chez l’ami de son père surgit en lui et il s’achemina vers sa demeure.

Là, ce seraient des Français, américanisés sans doute, mais n’ayant pas perdu peut-être cette chaleur d’accueil qui fait de la France le peuple le plus charmant du monde.

Il sonna vers 18 heures au logis des Laslay. Une fillette aux cheveux courts vint lui ouvrir.

Le jeune homme dit en français :

— Je suis M.  Gérard Manaut, Mademoiselle… Pourrais-je voir M.  Laslay ?

— Maman, s’écria la jeune fille, c’est le fils de l’ami de papa ! Ces mots étaient lancés en anglais.

Une femme encore jeune apparut. Svelte, blonde, l’air doux, elle tendit les mains au jeune homme en disant :

— Soyez le bienvenu, cher Monsieur… Mon mari sera bien aise de vous voir… Il est retenu pour ses leçons jusqu’à l’heure du dîner, mais vous partagerez notre repas, si cela peut vous être agréable…

Gérard ne demandait pas mieux. Il remercia chaudement, à l’aise dans cette atmosphère qui le réconfortait.

Mme  Laslay lui fut tout de suite sympathique. N’ayant pas connu sa mère, il avait toujours rêvé d’une tendresse maternelle et il lui semblait que cette Française si cordiale réalisait ce désir latent. Elle le fit entrer dans une pièce qui servait de salon, de salle de travail et de repos. Deux grandes tables s’y trouvaient avec des livres, des encriers, un piano, un violon, des corbeilles à ouvrage.

Il n’y avait aucun désordre, mais on sentait que l’existence de chaque heure s’y déroulait avec ses joies, ses soucis et ses espoirs.

La jeune fille qui avait ouvert la porte à Gérard et qui paraissait âgée d’une quinzaine d’années ne s’occupait plus de lui. Elle s’était remise devant une des tables et elle continuait un devoir.